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De la « Médecine de libérale » à la « Médecine de proximité » ou comment en faire un enjeu politique!

Depuis le début de l’année, le Président Nicolas Sarkozy a pris la médecine à bras le corps. La première fois, c’était le 12 janvier 2010, à Perpignan lors de ses vœux au monde de la santé. Nicolas Sarkozy avait d’une part rebaptisé la médecine libérale en « médecine de proximité » et d’autre part demandé au Docteur Michel Legman, président du Conseil national de l’ordre des médecins de lui faire des propositions à la fin de mars pour refonder la médecine libérale.

Trop de rapports et de missions…

Les EGOS (états-généraux de l’organisation de la santé), lancés fin 2007, étaient sensés mettre à plat l’ensemble de la problématique de la médecine de premier recours pour que la loi HPST (« Hôpital, patients, santé et territoires ») règle les problèmes identifiés. Initié à l’automne 2009 et remis en janvier 2010, le Rapport Vallancien qui faisait un bilan sur les maisons et les pôles de santé et donner des propositions pour leur déploiement, abordait des problématiques très proches. Puis vint la mission Legmann…

Chronique d’un enterrement annoncé

Accumulation des rapports, un président de commission un peu trop emblématique ou trop corporatiste, une composition de ses membres dictée par l’Elysée avec des prises de position polémique de certains, un délai de rédaction extrêmement court (moins de 3 mois)… comment le bon docteur Legmann pouvait-il réussir ?

Le docteur Élisabeth Hubert au chevet de la « médecine de proximité

En confiant, le 16 avril dernier, une nouvelle mission de concertation sur la « médecine de proximité » à Élisabeth Hubert actuelle présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) et ancienne ministre de la santé publique et de l’assurance maladie Nicolas Sarkozy enterrait purement et simplement le rapport Legmann, rendu public le 13 avril (3 jours avant !) et dont le titre exact est « Définition d’un nouveau modèle de la médecine libérale ». La lettre de mission de Nicolas Sarkozy, datée du 27 avril, précise les termes et les objectifs de cette mission.

Une mission à 3 objectifs

  • Premier objectif : « donner un nouvel élan au dialogue avec les médecins »
  • Deuxième objectif : « permettre à tout le monde de s’exprimer: aux syndicats de médecins, mais aussi aux médecins qui font vivre la médecine de proximité au quotidien partout dans notre pays, aux autres professions de santé qui coopèrent avec les médecins ainsi qu’aux élus et aux patients ».
  • Troisième objectif : « faire des propositions modifiant l’exercice libéral, apportant des réponses aux évolutions structurelles que connaît la médecine ambulatoire depuis de nombreuses années ».

En rebaptisant la « médecine libérale » en « médecine de proximité », Nicolas Sarkozy fait coup double.

D’abord, reconquérir l’électorat des professionnels de santé qui, après l’exclusion des médecins généralistes de la vaccination contre la grippe A(H1N1), les contestations tarifaires et autre grève de la télétransmisson, s’est détourné de la majorité présidentielle notamment pour les dernières élections régionales.

Qui dit proximité, dit aussi toucher un électorat éloigné de la capitale, dans des régions qui voient les commerces de proximité et parfois les services publics disparaitre progressivement, montrer que l’on pense à eux et à l’accès au soin ne peut pas nuire à 2 ans des élections présidentielles.

Mais… la campagne des présidentielles de 2012 serait-elle déjà commencée… ???

Avec Nicolas Sarkozy, les maisons de santé c’est : « quitte ou double »

Le chef de l’état, accompagné de sa ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, et de son ministre de l’Espace rural et de l’Aménagement du territoire, Michel Mercier, a prononcé dans la salle des fêtes de Morée un discours sur les conclusions d’une consultation sur la ruralité conduite depuis octobre 2009.

Des annonces qui sentent bon la campagne

Rien de vaut un déplacement en province pour annoncer quelques mesures dans le domaine des transports, de l’agriculture, de l’accès au haut débit et de la santé.

Réflexion approfondie et mise en œuvre immédiate…

Alors que Nicolas Sarkozy vient de demander au Docteur Michel Legman, président du Conseil national de l’ordre des médecins de lui faire des propositions à la fin de mars pour refonder la médecine libérale et « inventer un nouveau modèle de soins de premier recours » (selon les termes du Président et rapportés dans un précédent billet Le Président Sarkozy en appelle de tous ses vœux à refonder la médecine libérale), fidèle à son habitude, il n’attend pas le résultat de cette consultation pour déjà faire des effets d’annonce.

Devant un parterre d’élus locaux rassemblée à Morée le Président Sarkozy a déclaré que les assises des territoires ruraux avaient montré la préoccupation, qui était la leur, d’un accès à la santé de proximité et a annoncé immédiatement son intention d’engager une « réflexion approfondie » (la commission de refondation de la médecine libérale déjà nommée), tout en mettant en œuvre « quelques mesures immédiates ».

Doubler le nombre des maisons de santé et contrats d’engagement de service public proposés aux étudiants en médecine !

D’une part, l’Etat et l’assurance maladie vont contribuer au financement de 250 maisons de santé pluridisciplinaires sur trois ans, multipliant par deux, en trois ans, leur nombre dans le pays et d’autre part, le chef de l’état souhaite favoriser l’exercice médical dans ces territoires en créant dès la rentrée universitaire prochaine 400 bourses réservées aux étudiants qui s’engageront à « exercer au moins dix ans dans un territoire à faible densité médicale » comme le prévoit la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).

Une commission de refondation de la médecine libérale déjà pilotée par l’Elysée

La liste des 14 membres de cette commission dont l’objectif est clairement de renforcer l’attractivité de la médecine libérale,  a été rendu publique et comprend :

  • Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMT)
  • Paul Blanc, sénateur (UMP, Pyrénées-Orientales) et médecin
  • Gérard Bourrel, médecin généraliste enseignant, l’un des 10 premiers professeurs titulaires de la spécialité
  • Yves Bur, député (UMP, Bas-Rhin) et chirurgien-dentiste
  • Bérengère Crochemore, ancienne présidente de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG
  • Claude Dilain, pédiatre, maire (PS) de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis)
  • Christophe Jacquinet, directeur général préfigurateur de l’Agence régionale de santé (ARS) de Picardie
  • Claude Le Pen, professeur en économie de la santé à la faculté Paris-Dauphine
  • Hubert Le Hetet, anesthésiste à Rennes et administrateur de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar)
  • Norbert Nabet, adjoint du directeur général préfigurateur de l’ARS Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) et ancien conseiller ministériel de Roselyne Bachelot pour la médecine libérale
  • Dominique Orliac, députée (apparentée socialiste, radical, citoyen et divers gauche, Lot), présidente du Conseil départemental de l’Ordre des médecins du Lot
  • Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss)
  • Walter Vorhauer, anatomopathologiste, médecin légiste, secrétaire général du Cnom
  • Patrick Vuattoux, généraliste à Besançon, président de la Fédération des maisons et des pôles de santé (FFMPS).

Bien qu’elle ait déjà annoncé qu’elle ne pourra pas rendre ses recommandations pour la fin mars, cette commission de refondation de la médecine libérale devra travailler aux pas de course…

Vitesse ou précipitation ?

Bien sûr que la question posée de la refondation de la médecine libérale est plus que légitime, mais je ne comprends pas pourquoi, sans attendre, ne serait-ce que les premières recommandations de cette commission,  s’empresser d’annoncer des mesures immédiates tel que le doublement des maisons de santé.

Pourquoi demander à des experts de se réunir, de consulter et de proposer, et annoncer simultanément ce doublement

Doivent-ils considérer que les choix sont déjà faits et leur travail inutile ? Et si les médecins ne souhaitaient pas s’installer dans ces maisons de santé même si elle semble être une réponse de « bon sens » à la désertification médicale ? N’était-il pas possible d’attendre deux ou trois mois, avant de faire ces annonces à ces d’élus locaux de territoires ruraux ? Je ne sais pas, en avril ou mai ? C’est vrai après les élections régionales de mars 2010 par exemple…


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