Au nom de la commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1), le Président M. Jean-Christophe Lagarde et le Rapporteur M. Jean-Pierre Door, ont remis leur rapport en date du 6 juillet 2010.
Crise de confiance
Le constat est sans appel : « La pandémie que nous venons de connaître a été le formidable révélateur d’une crise de confiance : celle de nos concitoyens qui ne croient plus aux messages de prévention et de santé publique, se défient de la parole de l’État en période de crise sanitaire et préfèrent s’en remettre à d’autres sources d’information, aux intérêts divers mais très médiatisées ».
Rôle d’internet
Ce qui est nouveau est le rôle d’internet dans la gestion de cette crise. En effet, le rapport précise bien : « Les folles rumeurs sur internet, les attaques violentes du lobby anti-vaccin ou encore les annonces spectaculaires de pseudo-experts en quête de gloire médiatique auront sans doute laissé des traces. Le sensationnalisme a prévalu sur les faits documentés ; la parole officielle a été décrédibilisée par des acteurs sur les motivations desquels on s’interroge encore.
Internet responsable ?
Le rapport poursuit : « Un tel constat n’est pas nouveau en période de crise sanitaire. La violence des propos sur internet a sans doute été une cause des problèmes connus par la campagne de vaccination, mais elle est aussi probablement la conséquence d’un mal plus profond de la société française qui semble avoir préféré l’irrationnel au rationnel ».
Sur internet, un débat qui a débordé les autorités… parce qu’elles étaient absentes !
« C’est probablement sur internet que les rumeurs les plus folles ont pu courir sur la nature de la grippe A(H1N1) et sur les vaccins. Si certaines affirmations farfelues étaient à l’évidence faciles à contester, d’autres, plus subtiles et traduisant les doutes principaux de la population française, auraient sans doute mérité d’être traitées avec plus d’attention par les pouvoirs publics pour y répondre par une argumentation appropriée : ainsi en a-t-il été de l’inutilité et de l’inefficacité de la vaccination, de l’affirmation d’un lien de causalité entre adjuvants et syndrome de Guillain-Barré, ou encore de l’idée que les vaccins, élaborés dans l’urgence, auraient été insuffisamment testés ». Ces rumeurs étaient au service d’intérêts divers. Si certaines interventions sur internet avaient pour objet de contester le recours à une campagne de vaccination collective (ce qui était légitime car il s’agissait de discuter d’orientations stratégiques) ; en revanche, d’autres se sont appuyés sur ce nouvel outil de communication, très efficace, pour faire valoir des opinions tout à fait contestables à l’instar des lobbys anti-vaccinaux qui contestent le principe même du recours à la vaccination et qui ont pris une certaine ampleur depuis la campagne de vaccination contre l’hépatite B que d’autres groupes ou individualités qui y sont allés de la fameuse théorie du complot : « le virus aurait été créé par les laboratoires en assortissant un virus humain et un virus porcin, afin de commercialiser un vaccin dont la production aurait anticipé la pandémie ; les vaccins seraient mortels ; la vaccination serait obligatoire et forcée ; ou encore, la pandémie aurait été créée de toutes pièces pour préparer un génocide mondial ». De telles dérives, très préoccupantes, doivent être prises en compte par les pouvoirs publics pour l’avenir, encore faut-il qu’ils soient présents sur la toile…
42 propositions
Les députés formulent dans leur rapport 42 propositions ; celles-ci portent sur le bilan de la vaccination au plan européen, sur les procédures de négociation avec les laboratoires, sur la définition de la stratégie vaccinale et sur la démarche d’acquisition des produits de santé, sur la définition de la pandémie (6 mesures), mais aussi et surtout sur les outils disponibles pour lutter contre la pandémie (23 mesures) et sur la communication (13 mesures).
Proposition n°33 : Renforcer le pôle de veille multimédia au sein du service d’information du Gouvernement et prévoir une réponse adaptée sur internet et surtout les réseaux sociaux.
Il faut dire que les autorités ont brillé par leur absence de réaction appropriée face à l’ensemble de ces rumeurs ; et pourtant, le rapport nous informe qu’il faut reconnaître au service d’information du Gouvernement d’avoir identifié, dans une note du 5 décembre 2009, « la place d’internet dans le débat sur la vaccination et la faible visibilité, sur ce média, des messages institutionnels jugés trop administratifs ou trop politiques ».Malgré la préconisation d’adapter les messages aux internautes pour optimiser leur compréhension et susciter l’adhésion, un seul partenariat avec Doctissimo a eu lieu en participant à des forums de discussion. Le rapport préconise impérativement que « la communication gouvernementale envisage une présence plus importante sur ce média (internet) où se lancent les alertes et se forgent les opinions. Elle ne doit pas seulement délivrer de l’information officielle : il lui faut réagir aux rumeurs et présenter des contre-arguments ». Et, pour illustrer ces propos, les auteurs proposent de « s’inspirer de l’exemple du Centre pour la prévention et le contrôle des maladies d’Atlanta (CDC : Centers for Disease Control and Prevention), doté d’une cellule de veille internet richement étoffée et qui permet aux autorités de détecter rapidement les rumeurs, notamment sur les réseaux sociaux, et d’y répondre. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en place une surveillance à visée coercitive ou de censure. Il ne s’agit pas non plus de répondre de manière anonyme, au contraire : la réponse de l’État doit pouvoir être identifiée comme telle ».
La crise n’a finalement pas eu lieu, et c’est heureux…
Les rapporteurs concluent non sans humour : « La crise n’a finalement pas eu lieu, et c’est heureux ». Mais ils poursuivent immédiatement : « à l’évidence, les professionnels de santé et la population demandent un changement des règles ; celui-ci est aujourd’hui nécessaire pour obtenir l’adhésion de la population lorsque surviendra une pandémie grave ». Pour finir par : « Après cet événement qui n’a pas causé de dommages d’une ampleur aussi grande que celle qu’on avait un temps prévue, nous avons aujourd’hui l’opportunité de réfléchir aux améliorations à apporter pour restaurer la confiance dans les politiques de santé publique et gérer au mieux les futures « crises » ».
Qu’on se le dise… mais surtout il est grand temps d’entamer cette réflexion collective !
Vous voulez lire le rapport ? Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1)
Commentaires récents